Rythmicité, mémorisation et sensibilisation à l’architecture d’un poème

|par Cesare Mongodi|

 

 

J’ai d’abord eu recours à cette démarche dans le cadre de mon cours d’italien pour débutants en utilisant des textes simples. Puis je l’ai adaptée pour le cours facultatif d’écriture que je donne au Gymnase de Morges et l’ai proposée lors d’une séminaire sur l’enseignement de la poésie au printemps 2017 à la HEP de Lausanne.

Des textes poétiques courts sont disposés au fond d’un couloir (de préférence accrochés au mur et bien lisibles) à environ dix mètres de la salle de classe. Les participants à l’atelier, par groupes de deux,  partent à tour de rôle lire un texte et l’apprennent par coeur pendant qu’ils marchent en direction de la salle de classe où ils le dicteront à leur camarade. Ils ont besoin de trois ou quatre trajets pour y parvenir.

Mémoriser tout en marchant avec l’objectif de restituer le texte à un camarade, mobilise le désir de s’approprier du texte et de le transmettre. La marche permet notamment d’expérimenter corporellement la structure rythmique du poème et la résonance des mots entre eux. L’atelier a toujours pris une tournure ludique qui contraste avec des pratiques habituelles d’analyse de texte.

Pourtant analyse il y a, car, dans un deuxième temps, les participants (au sein du groupe puis entre groupes) comparent les formes restituées à l’original et sont invités par l’enseignant à s’interroger sur l’écart éventuel entre la forme qu’ils ont restituée et celle choisie par le poète (quel sens a ce retour à la ligne, ce tiret, cet espace? etc.)

L’atelier peut être utile pour démarrer une suite d’ateliers d’écriture dans lesquels on propose aux participants de réécrire leurs textes. L’enseignant, qui n’aura pas montré mais laissé expérimenter à ses élèves des formes singulières, pourra leur proposer de réécrire leurs textes en intégrant des consignes stylistiques simples inspirées par les poèmes retenus.

 

Deux poèmes ont été retenus dans mes ateliers.

 

A) Poème de la peur

I

On se réveille avec elle

on ne la tiendra pas en laisse

jusqu’au soir

son remous commence

Peur. Ce dans quoi on entre au delà du seuil.

(Antoine Emaz)

 

B) Blanche neige

Blanche neige ne peut pas acheter de six pack

car en effet, les nains sont sept

sept berlingots de lait, sept miches de pain,

sept chemises, sept paires de chaussettes, sept assiettes sales,

sept caleçons tachés, les sept jours de la semaine

Comme d’habitude, elle allait

charger ses sept chevreaux dans le panier

quand elle changea d’avis

s’acheta une bouteille de rouge

et sept pommes empoisonnées

(André Snaer Magnason, Poèmes de supermarché, traduits de l’islandais par Walter Rosselli, Editions d’en bas, 2016)

 

                                                                                    Cesare Mongodi, enseignant au Gymnase de Morges, cesare.mongodi@yahoo.fr

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