Explorer la poésie en classe

22 mars 2017

 

 

Descriptif de la journée

Comment faire entrer la poésie à l’école? Comment contredire la réputation tout à la fois d’hermétisme et de futilité dont souffre cet art? Comment donner droit à la créativité, à l’exploration voire au dérèglement du langage, tout en renforçant l’acquisition des bases grammaticales et orthographiques de la langue chez les élèves? Des solutions existent, concrètes et applicables. A travers une série d’ateliers, des enseignants ont présenté et fait expérimenter des dispositifs qu’ils ont mis en pratique dans leurs classes ou d’autres contextes.

Afin de les explorer, la HEP Vaud et l’Université de Lausanne, à l’occasion de la deuxième édition du Printemps de la Poésie, ont organisé une demi-journée dédiée à son enseignement. Ces propositions permettent d’envisager aussi bien l’écriture, la lecture, que la mise en voix ou le travail sur les sensations. Elles sont par ailleurs une invitation à penser l’enseignement de la poésie sur l’ensemble de la scolarité, afin d’envisager les continuités, aussi bien que les besoins spécifiques à chaque degré.

 

 

La poésie en classe: vivre des relations de voix – Serge Martin (Professeur à Paris 3 et poète)

Il n’y a pas à dire: la poésie fait le test de la littérature voire de nos conceptions du langage, de la société, de la vie dès qu’elle rentre en classe! Mais déjà, dire la poésie c’est peut-être oublier les poèmes, chaque poème comme expérience continuée, partagée et partageable, au profit des logiques absolutistes, non relationnelles et hors-jeu – je veux dire hors conditions concrètes, vives. Car l’enjeu avec les poèmes, avec le premier petit poème venu – et il peut être long, ce petit poème, contrairement aux habitudes qui le formatent souvent beaucoup plus en fonction d’un dispositif qui l’a déjà calibré, mis hors circuit, hors voix ou dans la seule voix de son maître qui n’est pas forcément le maître de la classe – et bien évidemment avec n’importe quelle parole qui s’ensuit, l’enjeu c’est de tester ce qu’il en est de la voix dans la classe pour chacun.e. Voilà dit un peu longuement – mais cela ne va pas sans dire – ce qu’on essaiera de faire résonner avec quelques essais de voix partagées en vue de mieux considérer ce que nous font les poèmes quant à nos relations de voix dès qu’ils font classe… car oui! les poèmes servent à vivre, même et surtout en classe!

Flyer


 

Résumés des interventions

 
Atelier 1 – Vivre et penser une expérience de lecture synesthésique en classe 

Vanessa Depallens, assistante-doctorante HEP/Unil

Comment rendre compte d’une expérience de lecture d’un poème, pouvant mobiliser plusieurs sens, dans le cadre scolaire ?

C’est à cette question que notre présentation tentera de répondre, en proposant d’utiliser la vidéo et de s’inspirer du BookTubing, pratique adolescente innovante visant à partager ses lectures. En utilisant divers médias, l’image, le texte ou encore  le son et en commentant les choix faits, il s’agirait alors – pour chaque élève – de communiquer son rapport au poème via la production d’une vidéo (objectif PER : FR  L1 35 apprécier la littérature).

Aborder la question de l’effet qu’un texte peut produire sur un lecteur permet de sensibiliser les élèves à ce qui est susceptible de fonder l’intérêt de « genres littéraires » telle que la poésie.

 
Atelier 2 – Rythmicité, mémorisation et architecture d’un poème 

Cesare Mongodi, enseignant au Gymnase de Morges, poète.

À travers la pratique de la marche et la mémorisation, cet atelier souhaite attirer l’attention sur la forme, la rime et le vers. Inspiré d’exercices de l’enseignement des langues, l’atelier a un caractère ludique et participatif. Corpus: poésie contemporaine.

 
Atelier 3 – Poésie et images. Propositions à partir du Erlkönig de Goethe

Christian Indermühle, maître d’allemand au Gymnase de Nyon, chercheur UNIL et traducteur

Il est courant d’aborder une oeuvre (poétique ou littéraire) en se concentrant sur ses caractéristiques les plus propres (formelles ou historiques), et de n’envisager ses adaptations ou ses réceptions que comme des effets seconds ou secondaires. Celles-ci, pour cette raison, sont souvent tenus à l’écart de l’enseignement.

En partant d’une proposition inverse, qui privilégie l’adaptation (plus ou moins) libre, en image, par les élèves, de textes poétiques, et la mise en comparaison de ces réceptions pour revenir dans un second temps à l’interprétation, on tentera d’ouvrir, dans l’espace scolaire, à des pratiques d’interprétation littéraire alternative.

 
Atelier 4 – Pratique de la poésie contemporaine

Luisa Campanile, auteure (poésie, théâtre), enseignante de théâtre(secondaire II, Genève)

La poésie contemporaine peut faire et fait souvent peur. Malgré ce triste constat, je rencontre dans ce vaste domaine d’expression matière à me rapprocher de l’existence. Face à un public d’élèves ou d’étudiants, il est nécessaire de transmettre la vitalité de la poésie contemporaine et surtout son accessibilité. C’est pourquoi je souhaite proposer une pratique de la poésie contemporaine.

Avec une proposition d’atelier, je souhaite mettre les participants en situation. Il s’agit alors de s’engager dans une parole orale face public avec des poèmes contemporains de référence, puis dans un processus d’écriture et pour conclure une lecture de ses propres poèmes. Ce moment d’atelier fait place à la réception, au partage et la bienveillance qui sont partie prenante de la créativité. Mon souhait est que chaque participant devienne, pendant cet atelier, acteur d’une parole poétique.

Les poètes contemporains « d’appui » durant cet atelier seront  notamment : Mahmoud Darwich, Odysseus Elytsis, Roberto Juarroz.

 
Atelier 5 – La poésie, un jeu d’enfants !

Claire Masson, enseignante premier cycle au Collège de Malley & Mathieu Depeursinge, assistant-doctorant, HEP Vaud

Cet atelier présentera un ensemble de dispositifs pensés initialement pour de jeunes élèves (1-4 P) mais transférables aux degrés supérieurs. Nous les avons testés à plusieurs reprises, en classe, ou lors de manifestations culturelles.

Ces dispositifs font la part belle à la multiplicité des aspects de la poésie : alliant différents médias (images, textes et enregistrements sonores), faisant se croiser plusieurs langues, explorant enfin les différentes voies d’appropriation du poème (écoute, mise en voix, récriture…)

Nous basant- entre autres- sur un corpus de textes contemporains et parfois hermétiques, nous voulons questionner l’idée reçue selon laquelle les textes seraient réservés à certains types de lecteurs. Certes, concevoir des activités adéquates pour un jeu public demande certains ajustements. Nous faisons le pari, cependant, que la pertinence et la valeur d’un texte transcende la question de l’âge. Des approches sensorielles et créatives ne sont pas réservées qu’aux enfants, de même que les ateliers d’écriture, par exemple, ne sont pas réservés qu’aux lecteurs et aux scripteurs.

 
Atelier 6 Le poète, le traducteur, l’élève et les mots

Raphael Pittier, doctorant en littérature comparée, CLE, UNIL &  Camille Schaer, assistante-doctorante en littérature comparée, CLE, UNIL.

Nous proposons une approche de la poésie du point de vue de la traduction. Etudiée avec des élèves, cette approche peut conduire à une réflexion passionnante sur les langues et leurs rapports entre elles. Il nous importe de ne pas considérer la traduction de la poésie uniquement comme une perte de sens, de rythme ou de rimes, mais comme une création nouvelle, proposant d’autre effets esthétiques ou de sens, signifiants dans la langue et la culture d’arrivée. A travers sa création, le traducteur nous livre sa lecture du poème. Ses choix font écho à ceux du poète, qui, loin de l’image romantique qu’on s’en fait parfois, a probablement dû passer par un processus d’expérimentation avant de trouver les mots et les sonorités qui correspondent à son projet poétique. Grâce à l’exemple d’un corpus extrait de l’œuvre de Baudelaire, nous souhaitons partager quelques idées d’activités à effectuer en classe. En invitant les élèves à comparer le poème et sa traduction, à expérimenter à leur tour la créativité liée à la traduction, à se munir des ressources linguistiques qu’ils possèdent, nous espérons les captiver dans l’enseignement de la poésie.

Cette approche demandant une certaine maîtrise d’au moins deux langues de la part de l’enseignant et des élèves, nous discuterons de sa possible application dans les différents degrés.

 
Atelier 7 Création de vidéos poétiques

Delphine Schifferli, étudiante en didactique du français,  HEP Vaud

Dans le cadre de cet atelier, les participants seront invités à découvrir comment allier poésie et nouveaux médias, afin d’expérimenter de façon peu traditionnelle l’analyse poétique et d’associer approche formelle et plaisir du texte. Pour ce faire, seront présentées des alternatives associant travail de l’élocution, interprétation du texte poétique et de ses effets, ainsi que création audiovisuelle.

Dans un premier temps, quelques vidéos d’élèves du secondaire I seront présentées et commentées, puis les participants seront amenés à tester divers scénarios et  outils, tels que l’interprétation de poèmes à travers le dessin, l’animation d’images ou le mime et la réalisation de vidéos au moyen de natels, d’appareils photos et/ ou d’ordinateurs.

Cet atelier permettra ainsi de se familiariser avec divers outils technologiques et scénarios artistiques. Par ailleurs, les participants échangeront sur le lien entre fond et forme, ainsi que sur les limites de l’illustration du sens figuré d’un poème et de ses effets.