Enthousiasmer les plus jeunes! Entretien avec Kelly Moura.

Qui sont les acteurs·trices de l’enseignement de la poésie aujourd’hui? Quels défis la poésie présente-t-elle pour l’enseignement? Poésie-en-classe vous propose une série de portraits d’acteurs·trices contemporain·e·s, qui offrent des visions singulières de la poésie et de son enseignement.

Une peinture d’élève réalisée après la lecture-cadeau d’un poème, pendant une leçon de dessin.

Kelly Moura est enseignante en 3P, actuellement dans sa 6ème année d’enseignement. Elle a notamment travaillé au cycle 1, mais également deux années au cycle 2. Elle a un bachelor en enseignement primaire, ainsi qu’un master en didactique du français.

En parallèle, elle s’occupe de la formation des enseignants à la HEP Vaud, en tant que chargée de cours. Elle y approfondit entre autres une réflexion autour de l’enseignement de la poésie.

Violeta Mitrovic : Quelle place la poésie occupe-t-elle dans votre vie (privée et/ou professionnelle) ?

Kelly Moura: La poésie occupe une place importante dans ma vie. Lorsque je me sens inspirée, j’écris un poème. Mais j’en lis également ; j’apprécie le côté rythmé, mystérieux parfois dû à l’opacité de ces écrits qui s’ouvrent sur une recherche de sens (au sens propre et figuré !). L’expression « pouvoir de la parole » prend pour moi tout son sens lorsqu’il s’agit de poésie.

Dans mon enseignement au primaire, la poésie a bien entendu toute sa place. C’est une voie parfois plus accessible pour les élèves. Je m’explique : Le facteur motivationnel est grand.

Il s’agit tout d’abord d’un genre textuel qui implique particulièrement le destinataire. Les textes n’ont de sens que s’ils peuvent être partagés avec l’autre. Apprendre un poème par cœur, le réciter en l’accompagnant d’une posture, de gestes pour un destinataire, s’appuyer sur ce poème qu’on connait sur le bout des doigts pour passer à l’écrit (reconnaissance par indices de plusieurs mots du poème, écriture en remplaçant certains des mots, etc.), jouer avec les mots et les figures de style, travailler sur la conscience phonologique… Il y a d’innombrables possibilités d’apprentissages, toutes enthousiasmantes et ludiques !

V.M. : Quand et comment parlez-vous de la poésie aux élèves ?

K.M. : Très tôt dans l’année, et avec beaucoup d’enthousiasme ! J’aime bien surprendre les élèves avec un poème que je leur récite dans un premier temps, et ensuite chacun peut réagir et dire ce qu’il en pense. Si l’éveil de l’intérêt fonctionne, j’en profite pour lancer un premier projet.

V. M. : Quelles motivations vous poussent à intégrer la poésie dans votre enseignement ?

K.M. : La poésie, c’est jouer avec les mots, faire passer un message en mesurant l’impact des mots utilisés et de leur combinaison. Je pense qu’il s’agit d’un genre propice à un apprentissage ludique de la langue. Cela permet aussi selon moi d’aborder l’entrée dans l’écrit en douceur. On peut faire des liens avec la musique (chants), le slam, les comptines, les différents types d’écriture poétique comme les haïkus par exemple… Beaucoup d’entrées différentes qui nourrissent aussi la motivation et le plaisir des élèves.

V.M. : Pourriez-vous relater une expérience didactique de la poésie vous ayant particulièrement marquée ?

K.M. : L’expérience à laquelle je pense spontanément, qui a particulièrement marqué mon parcours d’enseignante, s’est passée lors de mon stage de dernière année de bachelor. J’avais une classe de 6P dont la plupart des élèves avaient beaucoup de difficulté à écrire, et surtout à trouver de la motivation. A chaque fois qu’ils avaient un texte à écrire ou réviser, j’avais l’impression de devoir les tirer, les encourager énormément. J’avais le sentiment qu’ils avaient très peu confiance en eux, peur de se tromper.

J’ai alors décidé de mener une séquence en lien avec la poésie. Ma première motivation était de pouvoir exiger des écrits plus courts. En réfléchissant à la séquence, je me suis dit que j’avais là l’occasion aussi de faire jouer les élèves avec les mots. Nous sommes donc partis sur les calembours. Ils en ont identifié dans des poèmes, il y a eu des ateliers avec des jeux/réflexions par groupes, et puis ils ont dû écrire des blagues grâce à ce procédé. Et à partir de là, je n’arrivais plus à les arrêter, ils en redemandaient. Nous avons facilement pu passer à l’écriture d’un poème. J’ai un très bon souvenir des moments d’écriture qui ont suivi. C’était un vrai déclic pour les élèves, et pour moi aussi à vrai dire.

V.M. : Auriez-vous des outils didactiques qui vous paraissent particulièrement pertinents à conseiller aux enseignant·e·s ?

K.M. : Je pense aux pistes suivantes:

– Oser prendre appui sur la poésie sous toutes ses formes et déclinaisons

– Penser la poésie dans un véritable projet, avec une production orale ou écrite destinée à un public

– Lire aux élèves des poèmes de temps en temps, en guise de lecture cadeau

– Penser aussi la poésie dans l’idée plus globale de développer la créativité des élèves.

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