Deux propositions de séquences au cycle 2, amenant à la découverte sensible du poème.
par Francine Fallenbacher-Clavien et Valérie Michelet
Deux séquences valaisannes d’enseignement de la poésie pour le cycle 2 proposent aux élèves de faire l’expérience sensible du poème par son annotation et sa mise en voix collectives. L’annotation du poème, à la manière d’une partition de musique, et sa mise en voix, relèvent d’un mode spécifique d’engagement du lecteur qui participe au texte (Meschonnic, 2006). Il s’agit de faire sentir aux élèves, réunis par groupes de trois ou quatre, que le poème à dire est une autre forme du poème écrit et que le texte poétique possède sa propre effectivité. Quels effets le texte produit-il sur les autres et sur soi-même, comment le traduire par les annotations, comment le « performer » par la mise en voix ? Telles sont les questions que soulève le dispositif.
Cependant, l’expérience sensible d’un poème n’est productive qu’à condition d’élaborer collectivement des zones de compréhension progressives. Dans les séquences proposées, l’approche sensible est soutenue par le travail de compréhension du poème à travers le corps, le mime, le dessin, l’attention aux sonorités et aux images, avant sa mise en voix. C’est dans cette dernière étape que s’articulent et s’ajustent compréhension dirigée et découverte sensible du texte, ouvrant la perspective d’une didactique de l’interprétation du poème par sa mise en voix, tout en mesurant le délicat équilibre à trouver entre la part d’expérience et la part « enseignée ».
L’annotation/mise en voix, procédé nouveau pour les élèves et, sans doute aussi, pour l’enseignant.e, est présentée par une capsule vidéo. Un court poème d’Apollinaire est annoté par une enseignante qui verbalise ses réflexions au fur et à mesure de l’annotation. La capsule vise à faire comprendre aux élèves que l’annotation/mise en voix est un processus de recherche fait d’élans, d’intuitions, d’hésitations, de reprises, et que l’on peut annoter le texte selon sa compréhension ou se laisser porter par lui. Parvenue au dernier vers, l’enseignante invite les élèves à terminer l’annotation. Le code d’annotation proposé joue sur le rythme, le volume et l’intensité, mais pourrait proposer d’autres symboles également. La séquence offre des pistes de lecture du poème à l’intention des enseignant.e.s afin d’aborder les tâches de compréhension, une brève description de l’annotation/mise en voix et un document présentant deux variantes d’annotation du poème d’Apollinaire avec des propositions de justifications. Les arguments se réfèrent à l’énonciation, aux images, au sens des mots, au rythme, à la sonorité ou encore à la versification.
L’annotation/mise en voix collective permet aux élèves de prendre conscience de l’effectivité du texte poétique. Le travail coopératif qui se met en place au moment de la mise en voix se nourrit de la participation active des élèves au texte. En mettant en voix, en justifiant, en s’écoutant, les élèves découvrent les potentialités du poème. De belles « trouvailles » émergent, tant au niveau du rythme et de l’énonciation que du matériau sonore. Paradoxalement, les élèves découvrent aussi que le poème a besoin d’intimité et de silence. Pour être efficace, l’annotation doit parfois se faire discrète et respecter la ponctuation blanche (Favriaud, 2014).
Descriptif « Mise en voix »
> Audio essai « Annotation et mise en voix«
Bibliographie:
Favriaud, M. (2014). Le Plurisystème ponctuationnel français à l’épreuve de la poésie contemporaine, Limoges, Lambert-Lucas.
Meschonnic, H. (2006), La rime et la vie, Gallimard.